Coffee Shop: politique du Cannabis en Hollande

TRANSFORM tenir les drogues sous controle

Un point sur la politique du Cannabis en Hollande en 2014 et sur l’avenir des Coffee Shops

La Politique sur le Cannabis en Hollande : en avant, pas en arrière

Des incompréhensions et un mauvais traitement de l’information concernant  les modifications apportées ou simplement proposées sur la politique Néerlandaise du cannabis en 2011 ont laissé penser à certains opposants à la réforme du Cannabis que le pays était en train de revenir sur sa politique pragmatique et de longue date de tolérance sur la possession, l’usage et la vente de Cannabis.

Ce n’est pas le cas. En réalité,  la plupart des mesures les plus régressives n’ont soit juste pas été mises en place, soit ont étaient abandonnées ou n’ont eu que des impacts marginaux. De plus, il y a un soutien grandissant du public pour une plus large et plus ambitieuse réforme, ainsi que pour un système de régulation d’un Cannabis légal similaire à celui qui a été adopté par l’Uruguay et des efforts sont entrepris par de nombreuses municipalités pour établir de tels modèles de production et de distribution.

Contexte de la légalisation du Cannabis en Hollande

L’approche des Hollandais en matière de Cannabis a toujours été très pragmatique au lieu d’être politique ou idéologique. Quand la « nouvelle » approche a été formellement adoptée en 1976, elle était principalement motivée par la volonté de séparer le marché du Cannabis réputé faiblement risqué des autres drogues illégales, plus risquées. Cette politique a légalisé la possession et l’usage personnel de cannabis pour les personnes majeures, mais à la différence des approches de la décriminalisation que l’ont peut trouver dans d’autres pays, elle a en plus toléré l’existence  de point de vente de petites quantités, boutiques qui sont devenues les fameux « Coffee Shops » Hollandais. Les Coffee Shops sont autorisés à exercer sous licence et dans des conditions très strictes qui incluent des restrictions d’accès en fonction de l’age, une interdiction de vente des autres drogues (y compris l’alcool), un contrôle de l’aspect extérieur des boutiques, la signalétique et le marketing.

Cette approche a été un large succès

  • Seulement 14% des usagers de cannabis aux Pays-Bas rapportent la présence d’autres drogues chez leur fournisseur habituel de Cannabis comparé aux 52% rapportés par les usagers en Suède
  • Le taux d’usagers du Cannabis aux Pays-Bas est équivalent ou inférieur à celui de plusieurs des pays qui l’entourent (et qui disposent pas de Coffee Shops), et reste bien en dessous de celui des USA
  • Même si le taux d’usagers a augmenté aux Pays-Bas depuis 1976, cette augmentation est en ligne avec celle qu’a connue l’ensemble des pays européens
  • Chaque année, les Coffee Shops génèrent un montant estimé à 400 millions d’euros de taxes – de l’argent qui aurait profité aux organisations criminelles sans cela

Le pragmatisme sous-tend également la politique Hollandaise en matière de drogues plus problématiques, telles que l’héroïne injectable, pour lesquelles ils ont adopté depuis longtemps une politique d’approche par la réduction des risques qui consiste à échanger les seringues, la prescription de substituts aux opiacés, et la fourniture d’héroïne sur prescription. En résultat, les taux d’usage à vie de l’héroïne aux Pays-Bas sont le tiers de ce qu’il sont aux USA.

Coffee Shop Hollande
Coffee Shop Hollande

Malgré tout, le système n’a pas été sans reproche.  Dans certaines villes frontalières du sud, des problèmes ont été causé par l’affluence de visiteurs venant des pays voisins pour se rendre dans les Coffee Shops. Plus impactant, la bizarrerie de l’évolution de ce système dans un contexte et un cadre international qui interdit strictement la production officielle et légale, a amené au paradoxe d’une vente tolérée et de facto légalisée, alors que les Coffee Shops sont toujours approvisionnés par un système de production illégal – qui implique parfois des organisations criminelles

Les opposants à la réforme des lois sur le Cannabis ont essayé de mettre en lumière l’expérience des Pays-Bas de manière négative, mais ils ont largement échoué dans le sens où les échos positifs abondent de manière écrasante. Cependant, lorsque le nouveau gouvernement conservateur a décidé d’imposer une nouvelle série de restrictions aux Coffee Shops en 2011, cela a été repris par la critique comme une preuve de la proche fin de « l’expérimentation sur le Cannabis » des Pays-Bas du fait de son échec. Cet article vient contredire cette version en s’appuyant sur les faits réels relatifs aux principales restrictions.

La « Wietpass »

Une des initiatives de haut vol pour restreindre la vente de Cannabis aux Pays-Bas a été la proposition d’une Wietpass (ou weed pass) – une mesure qui aurait fait des Coffee Shops des clubs privés avec un maximum de 2000 membres, obligatoirement adultes et résidents des Pays-Bas. Concernés par ce changement les Coffee Shops ont fait entendre leur avis, et des objections de la part de la plus grande association de policiers des Pays-Bas, ainsi que de la part des maires des 4 plus grandes villes du pays, Amsterdam, Rotterdam, La Haie et Utrecht, où la majorité des Coffee Shops sont situés. Les autorités de la ville de Amsterdam ont été très claires; un tiers des Coffee Shops du pays sont localisés dans notre ville, générant une importante activité économique – en particulier, les revenus du tourisme – avec quelques problèmes.

Wietpass (Weed Pass)
Wietpass (Weed Pass)

Un sondage en 2012  a révélé que 60% du publique pensait que la Wietpass devait être arrêtée, et 80% pensait que la Wietpass allait faire augmenter le trafic illégal. Dans une étude plus récente auprès des juges et procureurs Hollandais, 63,ç% affirment que la restriction sur le pays de résidence n’était pas une mesure efficace pour réduire les troubles à l’ordre public dans le voisinage des Coffee Shops. Ces propos étaient bien fondés : le deal de rue a largement était rapporté dans les villes du sud du pays qui ont adopté de telles restrictions.

La Wietpass était supposée être étendue au pays entier en 2013, mais a été globalement abandonnée lors du changement de coalition du gouvernement en octobre 2012. Néanmoins, les municipalités maintiennent leur contrôle via une politique locale des Coffee Shop (d’où le fait que certaines ne disposent pas de Coffee Shop) et que certaines continuent à n’accorder l’accès qu’aux résident seulement malgré le rejet de la proposition de Wietpass. Cependant, une étude de 2014 rapporte que parmi les villes qui admettent la présence de Coffee Shops, 85% d’entre-elles ne limitent pas l’accès aux résidents.

Limiter la puissance du Cannabis en vente

Une mesure largement reportée en 2011 était l’annonce du gouvernement Hollandais qui entendait limiter la concentration en THC du Cannabis en vente dans les Coffee Shops à 15%. Le Cannabis au-dessus de cette limite serait considéré comme de la drogue dure et serait sujette à une répression en mesure avec son statut légal. Cette proposition de changement n’a pas encore été mise en place pour le moment et a été l’objet d’oppositions de la part de presque tous les bureaux du gouvernement qui seraient concernés dans la mise en place de cette mesure, incluant la Police, la justice et les services médico-légaux. Le gouvernement actuel compte toujours mettre en place cette mesure, mais son avenir est de plus en plus incertain. Les recherches de l’institut de Trimbos ont argumenté de manière convaincante sur le fait que la limite de concentration est arbitraire et il n’y a aucune preuve que cela diminuerait les risques sur la santé.

Des fermetures de Coffee Shops

Le nombre total de Coffee Shops aux Pays-Bas a graduellement diminué d’environ 850  en 1999 à 651 à la fin 2011. Certains ont interprété ça comme une tendance qui pourrait éventuellement mener à la fermeture de tous les Coffee Shops, mais en réalité, il s’agit de l’évolution des règles d’attribution des licences accordées par les municipalités. Il n’y a rien qui suggère que le système des Coffee Shops serait abandonné (voyez l’opinion publique plus loin) et le nombre de villes qui disposent de Coffee Shops est resté le même.

Un autre changement qui a eu lieu en 2011 a été l’introduction d’une interdiction des Coffee Shops dans un rayon de 250 mètres de marche de tous lycée. Bien qu’annoncé comme une mesure de protection de l’enfance, il s’agissait plutôt d’une tactique politique pour attirer l’attention mais n’était pas étayée par des preuves. En pratique, en fait, la politique de licence menée par les municipalités leur donne le pouvoir d’annuler cette mesure si elles le souhaitent. L’opposition s’est concentré sur le fait que dans certaines zones urbaines – où la majorité des Coffee Shops sont situés – une application stricte de la règle des 250 mètres provoquerait la fermeture de la quasi totalité d’entre-eux. Et alors que la question de savoir à quel point la règle est stricte ou sera appliquée reste discutable, cela signifie qu’à Amsterdam au moins 28 d’entre-eux seraient concernés par un ordre de fermeture entre 2014 et 2016.

L’opinion publique

Le soutien du publique pour les Coffee Shops à grandit tout au long de leur existence. La dernière étude menée en décembre 2013, montre qu’une majorité de la population des Pays-Bas voudrait aller plus loin, avec 65% à soutenir un système du type de celui qui a été mis en place en Uruguay.

Nouveaux efforts pour adresser le problème de la « Porte arrière »

Peut-être que la plus justifiable des objections avec le système des Coffee Shops est le problème de la « Porte arrière », la vente de Cannabis est tolérée (la drogue peut quitter le Coffee Shop via la porte de devant), mais la production et la culture (i.e. la chaîne d’approvisionnement qui mène jusqu’à la porte arrière des Coffee Shops) reste prohibée. Ce qui a conduit à redouter des liens entre les Coffee Shops et le crime organisé.

Cependant, si il n’y a aucune preuve d’un tel lien, cette confusion est due au paradoxe légal dans lequel fournir du Cannabis à un Coffee Shop est un acte criminel alors que le vendre dans la boutique ne l’est (effectivement) pas.

En outre, l’objection selon laquelle 80% du Cannabis cultivé au Pays-Bas serait destiné à l’export sous le contrôle d’organisations criminelles a été perçue comme une forme de propagande sans fondement. Les efforts pour résoudre ce problème au travers d’une forme contrôlée de production et de distribution aux Coffee Shop ont été mis en oeuvre depuis plusieurs années, mails elles ont reçu récemment une impulsion toute nouvelle du fait des évolutions dans d’autres pays, telles que l’augmentation du nombre de Cannabis Social Clubs en Espagne  et la légalisation du Cannabis en Uruguay et dans 2 états des USA.

41 municipalités ont approuvé des appels manifestes à la régulation de la production du Cannabis, et 25 des 38 plus grandes municipalités ont présenté au Ministre de la Justice des demandes de permission d’expérimentation de différentes formes de production et de distribution.

Cela inclus la possibilité de délivrer des licences à des cultivateurs privés et mettre en place des fermes de culture municipales. Jusqu’ici, aucune de ces propositions n’a été approuvée, toutefois le maire d’une ville du sud, Heerlen, a publiquement exprimé sa volonté de commencer sans autorisation officielle.

De plus, la majorité des membres de chaque partis politiques formant la coalition du gouvernement des Pays-Bas sont en faveur de la régulation légale de la distribution du cannabis, et le second plus grand parti, les démocrates 66, qui est actuellement l’opposition, est en train de préparer un texte qui réaliserait cet objectif. En conséquence, tous les signes indiquent un grand support populaire et politique pour que le pays continue sur cette position progressiste à l’égard du Cannabis.

Source sur PDF en anglais : Cannabis policy in the Netherlands: moving forwards not backwards

Publication 2014 Transform Drug Policy Foundation
Auteur : Steve Rolles
Ajouts : George Murkin, Danny Kushlick, Tom Blickman,
Guus Zwitser, Aram Barra, Lisa Sánchez
Design et mise en page du PDF : George Murkin

Traduction : VapoBoy

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